Photos, dessins et textes : Jacques Berchatsky |
Les
batteries de propulsion... ces inconnues ! |
|
Tout
le monde utilise des batteries, de l'automobile au téléphone, sans oublier les avions. Comme pour le bon vin, la politique, les automobiles, les jolies femmes ou autre chose, chacun a un avis sur ce sujet, étayé par son expérience personnelle. Chacun peut prétendre et justifier que les batteries qu'il utilise durent des années comme sur l'auto. |
A l'époque où les batteries de propulsion conquièrent enfin l'aéromodélisme, il n'est pas inutile d'avoir quelques informations véridiques et pratiques très utiles sur elles, d'autant plus que chacun les traite comme il veut, très bien ou n'importe comment. L'aéromodélisme est l'une des dernières formes de liberté que l'on nous tolère, chacun peut construire ou acheter l'avion qui lui convient de la forme ou la couleur qu'il veut, et l'utiliser comme il lui plait. |
|
Les
charges utilisées |
ATTENTION
A LA PUB ! Nos revues regorgent à chaque nouveau numéro de cocoricos toujours plus alléchants sur les batteries. On peut dire à leur lecture que l'on imprime tout et n'importe quoi : nous y avons trouvé des Lipo délivrant jusqu'à 100 ampères, mais on ne dit pas pendant combien de temps, ni combien de fois ! Et une pub dit qu'elles ne peuvent pas brûler ! Un exemple, dans PASSION'AILES n°5, octobre 2004 page 63 à propos de durée de vie des Lipo : " D'autre part un pack Li-Poly HD 2000 ma Kokam déchargé en pointe à 10 C atteint actuellement 850 cycles (vous avez bien lu) avec des performances en vol encore très satisfaisantes " sous la signature d'un modéliste, Pascal Delannoy.... Il suffit d'y croire et d'acheter....Mais n’espérez jamais tirer d’une batterie de propulsion la capacité marquée dessus, c’est impossible, même si les grosses têtes aux pieds nickelés l’assurent sous serment ! |
|
Après
les Cadmium Nickel, nous avons eu les Nickel Hydrures et maintenant le fin du fin les Lipo qui ont toutes les qualités pour la propulsion de nos avions électriques, très grande capacité pour un faible poids. C'est la nouvelle mine d'or des vendeurs de modélisme, car elles coûtent bien plus cher que le bois, et surtout elles sont consommables. Elles durent bien moins longtemps que les Cadni ou les NiMh avec les trés forts courants que nous leur demandons pour nos propulsions. La firme Graupner met toutefois en garde les utilisateurs de ses Lipo, en leur précisant que leurs caractéristiques diminuent nettement après 50 cycles de charge/décharge... |
|
Pour
mesurer en sécurité souder des épingles au bout des pointes de touche piquer à travers le cable |
Il faut tout de suite préciser qu'aucune des batteries que nous employons n'a jamais été conçue pour travailler en délivrant les dizaines d'ampères que nous leur tirons, et c'est étonnant qu'on y arrive ! Elles sont destinées à alimenter des équipements électroniques portables, téléphones, ordinateurs Ipod et autres, et de l'outillage portatif, avec des courants allant de quelques centaines de milliampères à quelques ampères. Elles assurent des centaines de cycles de charge et décharge dans les meilleures conditions, car elles sont parfaitement adaptées à ce travail. Les conditions de charge et décharge sont parfaitement maitrisées, que ce soit dans l'appareil alimenté ou avec un élément extérieur, et tout se passe généralement très bien. |
LES
TRAVAUX FORCES Les conditions de travail des batteries de nos propulsions sont très particulières : on vide la batterie en quelques minutes en lui soutirant le courant le plus intense possible au décollage, 20,30,50,80 ampères, ou plus encore. Puis après une petite pose pour la laisser refroidir, on la recharge sur le terrain en un temps le plus court possible, et on la fait voler à nouveau en lui tirant toujours le courant maximum. On peut recommencer 2 ou 3 fois ces cycles de travail dans une après midi. A la puissance max, quelques dizaines d'ampères en début de décharge au décollage, la tension d'un élément 1.2 V bien chargé tombe à 1 Volt....Ainsi une batterie de 8 éléments, 9.6 V tombe à 8 V au décollage, c'est constatable et mesurable sur tous nos types batteries sans exception. |
Il
faut aussi savoir que la capacité commerciale des batteries Cadni et NiMh (nous n'avons pas contrôlé les Lipo) est bien supérieure à ce que l'on récupère. Par exemple, une 3700 mAh restituera dans les meilleures conditions 3300/3400 mAh, une 3000 mAh 2700 mAh, et ainsi de suite. Pour la charge, les naifs notent que leur chargeur injecte plus de 100% de la capacité dans leur batterie (on peut même injecter en contrôlant 250 %) mais la batterie ne restituera jamais 100%, surtout avec nos propulsions. A ce régime, leur durée de vie utile en propulsion est courte : sur les Lipo a partir de 30 cycles charge/décharge, leur capacité et le courant max possible baisse nettement, vers 80 cycles, on peut les remplacer. |
|
2
coulombmètres |
|
Pour
les Lipo, les fabricants de téléphones portables qui
ne sont
pas des fantaisistes tablent sur une durée de vie de l'ordre de 250/300
cycles, elles
durent 2 ans, on ne les remplace pas, on change de portable, les nouveaux
modèles encore plus performants sont sortis. En compétition,
comme pour les Cadni et les NiMh, cela peut se réduire à un seul
vol, le suivant n'ayant plus la pêche nécessaire. Bien sûr, il
y
a des batteries qui durent plusieurs saisons, mais à combien de vols par
saison si la météo est mauvaise ? Bien sûr, il y a des Cadni qui
supportent sans danger ni destruction la mise en court circuit permanent, elles
ont été conçues pour ça, mais pas pour la propulsion
de nos modèles. |
QU'EST-CE
QUI SE PASSE A L'INTERIEUR DE LA BATTERIE ? Pas question de faire un cours, mais en simplifiant beaucoup, on peut se faire une idée, et par là essayer de réduire nos frais de remplacement. |
|
Les
batteries fonctionnent à partir de réactions chimiques
continues très complexes, comme celles de tous les corps vivants, végétaux, animaux et humains. On peut les comparer à des corps vivants, c'est de même nature, et comme tout ce qui est vivant, cela nait, vit et meurt. Plus ou moins vite, selon le travail qui leur est demandé. Il y a des hommes qui meurent vite à la tâche, et bien pour les batteries, dans certaines conditions ,elles s'arrêtent de fournir du courant, à très basse température par exemple, ou bien explosent, ou encore donnent une énergie très réduite, ou assurent un bon fonctionnement une seule fois.. |
|
Ces réactions chimiques se produisent en étapes continues trés rapides et identiques tout au long de la décharge raisonnable, que l'on appelle des états de transition. Au cours de chaque état, il y a production de molécules nouvelles, dont la durée de vie est extrêmement courte, elles conditionnent le bon fonctionnement de la décharge. Pour que ces réactions se produisent, elles prélèvent de l'énergie stockée dans les constituants de la batterie. Mais il y a un seuil limite dans chaque cycle, c'est l'étape limitante ou la réaction ne trouve plus assez d'énergie pour fonctionner normalement. Les constructeurs utilisent tous les moyens pour repousser le plus possible cette limite, en ajoutant d'autres molécules fugaces; on le constate sur les Lipo, ou le courant max crête est passé de 10 fois la capacité à 15, 20 fois ou plus encore pendant quelques secondes. Mais cela se traduit par une altération rapide de leurs caractéristiques et la baisse de leur durée de vie si on les utilise trop longtemps au dessus de l'étape limitante. Et nos propulsions fonctionnent longtemps au dessus de l'étape limitante. Au cours de la décharge, le facteur température vient s'ajouter aux limitations des caractéristiques. A basse température, 3°C, avec un courant moyen 4/5 ampères, nous avons constaté avec Jean Michel que des batteries Cadni restituaient la moitié de leur capacité. Et au régime de très forts courants, la résistance interne augmente très vite, les ampères heures font chauffer la batterie, et diminuent l'énergie disponible pour le vol. En compétition, des packs avec élements triés boostés ont une durée de vie de... 1 vol, après ils servent à l'entrainement. |
QUELQUES
CHIFFRES EN FONCTIONNEMENT Nos batteries sont composées d'un assemblage d'éléments qui ont tous une résistance interne, inversement proportionnelle à leur volume et capacité : la résistance d'un élément de 1 Ah est plus grande que celle d'un 3 Ah. A ces résistances internes, il faut ajouter leurs liaisons par des lamelles de nickel soudées, dont la résistance est 5 fois plus grande que si elles étaient en cuivre. Et pour finir, 2 câbles sont soudés sur les éléments de sortie batterie et sur des broche et douille, avant que le courant ne soit expédié via douille et broche externes vers l'utilisation. |
à G patte nickel, à D patte Cu étamé |
|
Prenons
par exemple, une batterie de 6 éléments
NiMh GP de 2200 mAh en très bon état, bien chargée.
En principe, son constructeur nous garantit qu'elle nous donnera P =
7.2V x 2.2 Ah = 15.84 watts pendant une heure, et c'est vrai pour un
courant de 2.2 ampères. |
|
Pour
nos besoins modélistes, comme
on ne peut
voler une heure avec cette batterie, on convertit sa capacité en ampères minutes, unité utile pour nous : 2.2 Ah x 60 minutes = 132 ampères minute, ce qui veut dire que l'on pourrait tirer 132 ampères pendant une minute -c'est impossible-, même en la mettant en court circuit, elle meurt avant. Si on lui tire 20 ampères max avec notre propulsion, cela autorise un fonctionnement à ce régime pendant 132 A mn /20 A = 6.6 mn, en théorie, soit 144 w pour la propulsion. En pratique, comme on ne reste pas pendant tout le vol à la puissance max, on peut aller jusqu'à 20 mn en pilotant cool. Mais toujours a puissance max en pratique, nous aurons une durée de vol inférieure à 6 mn. |
|
Les
batteries testées |
|
|
MESURONS La résistance interne (-r-) de cette batterie, mesurée aux bornes de cordons de 2.5 mm² longs de 2 x 20 cm avec un débit de 1 ampère est de 60 milliOhms, (0.06 Ohm) tout compris avant utilisation. Selon la loi d'Ohm et l'effet Joule, celà provoque une perte de puissance négligeable a l'intérieur de la batterie, 60 milliwatts (0.06 W), et une chute de tension de 0.06 V. Si l'on tire maintenant un courant de 3 A, valeur max pour une utilisation classique hors modélisme, on perd 0.54 W dans la batterie, la tension chute de 0.18 V c'est peu, la batterie va durer très longtemps. Si maintenant on tire 20 ampères de cette batterie, en gros 10 fois sa capacité, on devrait perdre 24 W (P= r x I²) dans la batterie, cela va la faire chauffer et perdre 1.2 V sur la tension à vide ; vérifions en mesurant. |
|
Pour un
courant de 3 ampères, nous perdons bien 0.19 V, c'est normal. Pour un courant de 20 ampères, la tension dégringole de 7.62 V à 6.08 V, nous avons perdu 1.54 V au lieu des 1.2 V attendus. Où est passée la différence ? La loi d'Ohm est toujours valable même chez les modélistes, qu'est ce qui la dérange ? C'est tout simple, dans la batterie à ce régime, presque toutes les étapes de la réaction sont limitantes, cela perturbe le fonctionnement normal, la résistance interne augmente plus vite. Et la puissance dissipée dans la batterie est de 30.8 W au lieu de 24 W, 30% de pertes, ça chauffe. Et si l'on tire 25 A, -c'est possible-, il y a près de 40 W de perdus dans la batterie, elle devient un petit radiateur ; et ensuite un fer à souder pour 30 A si elle n'est pas parfaitement ventilée. |
Aération des packs |
Conséquence, cette puissance perdue dans la batterie n'est pas utilisable pour la propulsion, et la capacité de 2200 mAh se répartit entre le moteur et la batterie radiateur, il reste environ 1500 mAh mesurés en sortie de batterie pour la propulsion à 20 ampères.Il n'est pas possible d'espérer quelques centaines de cycles de fonctionnement dans ces conditions anormales, surtout si on fait 3 vols dans l'aprés midi avec une seule batterie.Mais ce qui est beau, c'est que nos batteries arrivent à fonctionner de façon satisfaisantes malgré ces travaux forcés, et traitées n'importe comment. Prenons maintenant une batterie Lipo pour voir si elle se comporte comme les NiMh, une 2 éléments de 2700 mAh Power Dragon, donnée pour des pointes de décharge à 15 C, soit 40.5 ampères pendant quelques secondes; elle stocke 7.4 v x 2.7 Ah = 20 W obtenus pendant une heure. La résistance interne mesurée au débit de 1 ampère est de 0.1 Ohm, plus importante que celle de la NiMh. Pour un courant de 3 A, la chute de tension est de 0.3 V, et pour un courant de 20 A elle serait de 2 V, avec une dissipation interne de 40 watts. |
Mesurons : à 3 ampères, la chute de tension est de 0.22 V, et la puissance perdue dans la batterie vaut 4.4 W. Et à 20 ampères, la chute de tension est de 1.63 V au lieu de 2 V et la puissance dissipée dans la batterie de 32.6 W au lieu de 40W. Bizarre, les modélistes jouent-ils encore des mauvais tours à la loi d'Ohm ? Non, mais la résistance interne a varié de façon différente de celle des NiMh, et nous constatons que si la résistance des Lipo est plus importante que celle des NiMh pour les faibles courants, elle est plus réduite aux très forts courants. |
|
Coulombmètre
au travail 1.4449 Ah sortis de la batterie |
Attention : les mesures effectuées ici ne sont pas exactement reproductibles sur d'autres batteries, les écarts notables pouvant atteindre 10/15 %, dus à la charge, lots de fabrication différents, l'âge, et surtout la façon de leur tirer très souvent des fortes puissances. En pratique, une constatation s'impose : si l'on monte 2 éléments Lipo en parallèle, la résistance interne du pack est divisée par 2, le courant aussi, la répartition de la puissance perdue aussi et la durée de vie grandement améliorée ; mais il faut accepter un poids supérieur dans l'avion et une plus grande dépense. On peut alors penser à comparer les Lipo aux NiMh qui dureront très longtemps. |
|
A
PROPOS DE MESURES Les mesures effectuées ici sont toutes véridiques, nous pouvons décharger au sol des courants allant jusqu'à 80 ampères sur charges résistives et rampes d'ampoules de phare voiture, et surtout mesurer avec précision les Ah restitués par les batteries pour des courants allant jusqu'à 40 ampères. Nous avons réalisé pour cela des Coulombmètres, pas des Capacimètes, pour mesurer les ampères heure qui sortent de la batterie. Le coulombmètre mesure des Coulombs, qui sont des Ah, alors que le Capacimètre mesure des Farads, qui sont la quantité d'électricité maximale stockée dans les condensateurs. |
|
Coulombmètre au travail 2.481 Ah sortis de la batterie |
Beaucoup de mesures
ont été realisées en vol dans
différents avions, grâce au Coulombmètre embarqué. Mais comme il faut attendre l'atterrissage pour savoir combien d'Ah ont été consommées, nous avons réalisé une petite télémesure qui transmet au sol les Ah consommés et le courant absorbé par la propulsion à tout instant. Cela nous permet de comparer très vite les hélices, moteurs et variateurs en vol. |
|
Télémesure
embarquée |
QUE
FAUT-IL FAIRE ? Réfléchir. Comme il n'est pas possible d'utiliser nos batteries de propulsion à un régime économique, il faut réduire le plus possible les crêtes max de courant, en restant à pleine puissance juste les quelques secondes nécessaires, contrairement au thermique ou cela n'a pas d'importance. Ce qu'il faut c'est éviter de travailler longtemps en étapes limitantes, qui font grimper à toute vitesse les pertes internes et réduisent la durée de vie. |
|
Aérer.
Il est obligatoire d'assurer la ventilation très efficace du moteur et de la batterie (percer des gros trous sur les gaines dessus dessous au fer à souder), la surface des ouïes de sortie d'air doivent avoir au moins le double de la surface des ouïes d'entrée, il n'est pas question que l'air entré soit en compression dans le fuselage ; pourtant hélas on peut le remarquer très souvent. Si cela est possible, une batterie doit effectuer un seul vol dans la journée ; plusieurs batteries coûtent chers mais en restant raisonnable, leur durée de vie peut facilement doubler. Ces recommandations ne concernent pas les avions de voltige, de vitesse et de compétition, ou comme en formule 1, le prix ne compte pas. |
|
Télémesure air et sol |
|